Mériel, une nuit pré-2012…
J’entrouve les yeux tout doucement, et je me retrouve dans mon lit, allongée sur le dos, la tête droite, et les bras le long du corps. Je pense me réveiller tranquillement car la lumière du petit matin est visible à travers la fenêtre de ma chambre. Ma grande chambre bien confortable. Elle a toujours été un lieu de réconfort, mais cette nuit-là, vers le petit matin, elle devint un lieu de terreur. J’ai souvent fait des cauchemars qui se déroulaient dans ma chambre, dont un récurrent dans lequel mon lit bougeait tout seul, et m’emmenait dans des endroits sombres et effrayants. Mais cette fois-là, je suis bel et bien réveillée, mais je n’arrive plus à bouger. Je suis paralysée. Complètement paralysée ! Même mes muscles respiratoires sont paralysés ! L’horreur… Je ne peux que prendre de très petites respirations, par secousses, et quand j’essaie d’en prendre une grande, mon corps ne répond plus à mes ordres. Je ne peux que bouger mes yeux. Je commence à avoir très peur… ! Quelqu’un va entrer dans ma chambre, c’est sûr ! Je le sens ! Personne n’entre, mais je le sens ! Je le sens si fort que je suis sûre que la personne a déjà réussi à entrer sans ouvrir la porte. Comme un fantôme ! Je ne vois personne, mais je sais que quelqu’un est sur le point d’entrer. Ça y est ! Ma mère entre telle une ombre maléfique. Je n’avais jamais eu peur de ma mère avant cette expérience, mais je la vois entrer, s’avancer doucement, et contourner le pied de mon lit pour venir s’agenouiller à ma gauche, du côté de ma table de chevet, et se pencher vers moi sans jamais me quitter une seule seconde de son regard tellement vide que j’en avais les tripes toutes retournées. J’essaie de toutes mes forces de bouger et de supplier mon corps de laisser échapper un cri ou un son de détresse pour qu’elle m’aide et me rassure, mais rien ne sort. Je suis bloquée. J’essaie même de faire exprès d’hyperventiler pour qu’elle remarque en ma respiration haletante et sifflante un signe d’anormalité. Je ne peux que la regarder en espérant qu’elle comprenne ma souffrance et me secoue pour me réveiller de cet enfer, mais elle ne fait rien. Ah si, elle me regarde bien droit dans les yeux, et les miens sont grands ouverts aussi. Finalement, la seule chose à faire était de fermer les yeux et d’attendre, sans la regarder. Après un moment, tout était fini. « Tu as fait un cauchemar, c’est tout ! » me disait ma mère.
Montréal, une nuit post-2012…
Ça y est, ça recommence ! Après plusieurs années d’oubli, je reconnais immédiatement ce même phénomème, alors que je me réveille un autre matin, dans ma chambre à Montréal cette fois. Ma mère va entrer ! Je suis morte de peur ! Vas-y ! Entre ! Je suis prête maintenant ! Je n’aurai plus peur cette fois. La même peur est là, mais la seule différence est que personne n’entre. Je supplie mon cerveau de faire entrer quelqu’un, car je sais que l’entrée de la personne est moins terrifiante que l’attente qu’une personne entre en elle-même. Il n’y a qu’à fermer les yeux à nouveau, et attendre… Finalement, vivre de telles expériences peut être trippant ! Mais pourquoi toujours ma mère ? Alors que c’est celle en qui j’ai toujours eu le plus confiance ?
Le phénomène naturel du sommeil humain m’a toujours intriguée. Il n’y a pas si longtemps que cela, j’avais déjà pris l’habitude de lire des tonnes d’articles sur Internet, provenant de sources fiables ou non (je m’en fichais bien !), et de me plonger dans ces fameux forums dans lesquels les questions et commentaires posés, ainsi que les débats qu’ils engendrent sont tellement puérils que je suis devenue accro à ce plaisir coupable d’Internet à mes heures perdues. Tout ce qui concernait le sommeil m’intéressait, et continue de m’intéresser de manière générale. J’aimais lire ces articles avant de dormir, et je désirais même faire l’expérience de tous les troubles du sommeil répertoriés, qu’ils me soient déjà arrivés ou non. C’est en lisant la description du trouble appelé « paralysie du sommeil » que je me suis rendue compte que j’en avais fait la poignante expérience, et que le cerveau est en effet une machine incroyable. Pour donner une définition simple, ce phénomène se produit soit à l’endormissement, soit au réveil (ce qui était mon cas). Le dormeur croit qu’il se réveille en plein cauchemar, alors qu’il se réveille bel et bien dans la réalité, mais trop tôt, c’est-à-dire avant que la substance sécrétée naturellement par le corps qui permet de paralyser tous les muscles (sauf les muscles respiratoires et oculaires) pour éviter que le dormeur ne se blesse, ou blesse son entourage lors du sommeil paradoxal (le cycle de sommeil lors duquel le cerveau produit des rêves) ne se dissipe. N’étant pas habitué à maintenir la conscience du dormeur alors que le corps de celui-ci est paralysé, le cerveau tente l’ultime solution : produire des hallucinations auditives et visuelles effrayantes, dans l’unique but de rassurer le dormeur (très ironique !), pour que celui-ci croit avoir affaire à un cauchemar, et non à la vraie vie, le temps que le corps rectifie son travail mal fait. Ce qui s’apparente donc à un véritable phénomène d’horreur a en fait une explication tout-à-fait scientifique. Le cerveau et le corps humains sont imbattables.
The Nightmare (Rodney Ascher, 2015)
Je tombai sur la description du documentaire The Nightmare d’Ascher en faisant défiler les films disponibles à la télévision ce soir-là, lorsqu’après avoir remarqué le terme de « paralysie du sommeil », je décidai immédiatement de lancer le film. Un documentaire excellent et plus effrayant qu’un film d’horreur ! On assiste à des témoignages tous aussi variés les uns que les autres de personnes ayant vécu ce phénomène, qui sont suivis par une reconstruction à l’écran de chacune de leurs expériences. Hormis l’aspect horrifique et dramatique qui est un peu plus prononcé dans le documentaire par rapport à ma propre expérience, le vrai sentiment de peur est là, et représenté de manière aussi vraie que nature ! Ce documentaire parle aussi bien aux personnes ayant vécu un ou plusieurs épisodes de paralysie du sommeil qu’à celles qui n’en ont vécu aucun. Une réussite cinématographique qui arrive à percer à travers la boîte cranienne pour faire ressortir à l’écran cette peur psychologique qui, en matière d’horreur, vaut de l’or, en comparaison des films d’horreur. Et depuis ce jour, plus rien… !
Sources
Auteure : Margaux Soumoy
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